Nouvel Ă©pisode de ma sĂ©rie sur les procĂ©dĂ©s rhĂ©toriques : aujourdâhui, on sâattaque Ă un classique redoutable â lâappel au snobisme.
đŹ Souvenez-vous du film Le GoĂ»t des autres dâAgnĂšs Jaoui et Jean-Pierre Bacri.
Jean-Jacques Castella (interprĂ©tĂ© par Bacri) incarne lâarchĂ©type du beauf sympathique : chef d’entreprise un peu rustre, franc du collier, allergique aux conversations sur lâart contemporain.
Jusquâau jour oĂč il tombe amoureux dâune comĂ©dienne.
Alors, pour lui plaire, il se met à fréquenter les galeries, à écouter du jazz, à citer des poÚtes.
Non pas par goût, mais par peur de passer pour un plouc.
Tout l’intĂ©rĂȘt du film est lĂ : il montre comment le dĂ©sir de paraĂźtre cultivĂ© peut nous transformer â parfois jusquâau ridicule.
Câest exactement le ressort de lâappel au snobisme.
Ce procĂ©dĂ© consiste Ă flatter notre envie dâappartenir Ă une Ă©lite.
đ âFaites cela, et vous serez diffĂ©rents des autres.â
đ âChoisissez ceci, et vous rejoindrez les initiĂ©s.â
Câest une manipulation douce, car elle touche Ă lâego :
le besoin dâĂȘtre reconnu comme âau-dessus du lotâ.
Pourquoi ça marche ?
Parce que lâĂȘtre humain est social.
Nous voulons tous ĂȘtre aimĂ©s, admirĂ©s, considĂ©rĂ©s.
Et le snobisme nous promet cela : un raccourci vers la distinction.
Câest ce quâutilisent Ă merveille certaines publicitĂ©s :
âCe parfum nâest pas pour tout le monde.â
âCe vin se dĂ©guste entre connaisseurs.â
âCe smartphone, les autres ne peuvent pas le comprendre.â
La parade ?
Prendre conscience de la ficelle.
DĂšs quâun message commence Ă flatter votre âraffinementâ ou Ă vous isoler dans un club imaginaire dâĂ©lusâŠ
âŠdemandez-vous : sâagit-il vraiment dâun argument rationnel, ou juste dâun miroir tendu Ă ma vanitĂ© ?
Je ne fais pas de politique, jâanalyse uniquement la forme des discours.
Mais force est de constater que ce procĂ©dĂ© traverse les siĂšcles, du salon de MoliĂšre aux plateaux tĂ©lĂ© dâaujourdâhui.
Et vous ?
Avez-vous dĂ©jĂ cĂ©dĂ© â consciemment ou non â Ă un appel au snobisme ?